La semaine dernière, on m’a commandé un buste.
Une mère et son fils.
J’ai commencé le travail, malaxant joyeusement, cherchant les formes, l’œil, le coin d’une lèvre qui se relève, amorçant un sourire.
Encore une autre étape.
Quelqu’un m’estime et apprécie ce que je fais pour me demander de lui tirer le portrait.
De travailler son visage, celui d’un être cher et de le faire prendre forme.
Délicate situation.
J’en suis fier.
Je me sens capable.
Non pas de chercher l’exacte copie. Seulement de sortir ce que je ressens de leur lien, de leur amour, de leur filiation.
De leurs sourires.
Que ce buste, ces bustes, soient eux et plus encore.
Comment est la question.
Comment, à partir de cette buche, de ce bloc, je vais pouvoir répondre à son désir. Celui d’immortaliser un moment fort.
Sans dénaturer cet instant, ce partage.
Comment ne pas faire une simple copie mais donner de moi, de mon art, garder ce qui fait mon œuvre et ressortir ce que j’ai sous les yeux.
Cette photographie.
L’art du portrait est un art difficile, prétendait Rodin.
Parmi les sculpteurs, c’est une légende. Et il s’est vu refuser une grande majorité de ses commandes.
J’ai un buste à réaliser. Non pas une vierge à l’enfant. Mais une mère et son enfant.
L’homme qu’il est maintenant.
Rien de plus simple.
Rien de moins simple.
Je vis pour ce genre de défi.
Pour l’intense concentration et cette plénitude de la création. Cette possession de l’autre. De l’avoir accepté dans son essence même.
De remarquer chaque détail de son visage. Progressivement.
De les garder en tête.
Le représenter, c’est le posséder.
C’est prendre ce qu’il est, dans le monde, le faire sien et le renvoyer avec son propre soi, sa propre vision, avec son énergie.
Pour lui redonner.
J’ai un buste à réaliser.
Qu’une mère, une femme va prendre le temps d’admirer tous les jours.
Pour garder en mémoire cet instant de bonheur.
Ce perfectum que son fils lui a offert.
Et inscrire dans l’éternité ces quelques secondes, déjà envolées.