J’aime mon nombril

J’aime mon nombril.

Sérieusement, mon nombril est le plus beau du monde.
Rond, délicatement cicatrisé. Avec ce qu’il faut de poche, d’ombre et fierté personnelle, de viande l’encadrant.
Le tout crée une pléiade d’ombres, de creux et de bosses.
Mon nombril est le centre de mon univers, le centre de mon monde, le centre du monde.
J’aime en parler.
L’exposer.
Le mettre en valeur.

Par-dessus tout, j’aime le comparer à celui des autres.
Mon univers est-il le plus beau, mieux dessiné que celui de mon voisin. Le plus plus.

Egoïste, moi ?

Mais que nenni, point n’en faut.

Je suis centré sur mon moi. Mon tout.

Sur le centre de la planète que je suis.

Comme lui.

Comme elle.

Comme vous.

Nous vivons, mangeons, explorons pour satisfaire cette petite cicatrice, ce point d’équilibre dans notre être.

Je suis égocentrique. A part moi, rien n’existe vraiment.
Après tout, après moi, le déluge.
Non ?

Et puis, qu’est ce qui nous prouve que le monde est monde. Qu’il est réel ?
Hein ?

Je vous en bouche un coin, non ?

Si l’on dort, un autre monde se crée. Avec ses propres règles, ses propres lois. Et le monde du jour devient celui de la nuit. Le jour n’existe plus. Le monde de la nuit est le centre de l’univers, le centre de nos rêves. Projection, encore une fois, de nous. De moi.
De mon nombril.

Tout tourne autour du nombril. Voyez-vous.

Cette petite chose est le point.

Celui auquel, nous revenons tout le temps.

Une conversation ? Mais bien sûr.
« Moi, je … » combien de fois commençons-nous par ces deux tout petits mots.
« Moi, je … ».
Traduction, mon nombril.

Je suis un univers à part-entière. De la tête au pied.
Chacun de mes atomes, de mes influx nerveux, de ma chimie si complexe, n’a qu’un seul but. Se confronter à l’univers d’un Autre.

Et si possible en sortir vainqueur.

J’aime mon nombril.
C’est le plus beau du monde.

Regardez tout simplement notre époque.

Nous ne faisons plus aucune photographie souvenir sans essayer d’apparaitre dessus.

D’abord le poignet puis le bras puis l’épaule puis cette moue, ce mouvement  des lèvres. Subtilement décalé en une grimace de sourire. Lèvre pulpeuse en avant. Métaphore de ce fameux nombril.
Regardes moi. Moi.
Qui réalise encore vraiment des photos de paysages, des photos des autres.
Vous ? Votre nombril ?
Vraiment ?

J’aime mon nombril. Pleinement.

Combien d’heures ai-je passé  à le comprendre. A le décortiquer.
Chacune de ses émotions.
A le mettre en valeur.
A le pousser en avant.
Je veux qu’il soit. Je veux qu’il brille.
En société.
Et que l’on se souvienne de lui.

De moi.

De mon nombril.

Complexe d’immortalité.
Syndrome d’Artiste.

Théorie de la contemporanéité.

Le monde ne tourne pas rond. Il ne peut pas. Près de six milliards d’égo-centres. Provoquant une multitude de séismes lorsqu’ils se rencontrent.

Et pourtant. Pourtant. Savez-vous ce qu’il est vraiment ce nombril ?

Le vestige d’un lien profond.
Celui qui rattache à ses parents.
A ces ancêtres et ses descendants. A l’humanité.
Au monde.

Mon nombril est ce qui fait de moi un être.
Comme le vôtre.

Je l’aime.

Mon nombril.

Et vous ?

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