Je regarde le tableau, non pour sa beauté, mais pour la sérénité qui s’en suit.
Sérénité. Beauté.
Étrange que l’on ne veuille point s’extasier sur sa beauté. Sur la maîtrise colorofique, graphique, technique. Parce que quoi, qu’est ce qu’un tableau. Rien qu’une image qu’un inconnu à conçu, peinturluré de ces mains sur un moment de génie, se rendant du coup connu et ce provoquant l’attente de ces pairs pour des œuvres encore plus plus.
Et pourtant, « toute œuvre d’art est l’enfant de son temps et, bien souvent, la mère de nos sentiments » (W.KANDINSKY, du Spirituel dans l’art).
On. Nous. Vous. Lui. Moi. Tombons en pamoison, un jour, devant un tableau, qu’il soit vieux comme le monde, ou son origine, libertin, taquin. Ode à l’orgueil d’un ou de tous, réaliste ou sans autre référence que le rêve.
Pour. La. Sérénité.
Mon mien, le tout premier fut « La rue Montorgeuil à Paris. Fête du 30 juin » de Monet. Loin de moi le fait d’être chauvin. Quoique.
Neuf, dix ans au maximum, haut comme trois pommes. Entre deux vagues de visiteurs d’Orsay, j’ai entrevue ce rouge, captant, captivant, mouvant, la foule à peine esquisse et si vibrante de liesse, ce bleu pur, profond, apaisant.
Qu’a du pensé le gardien de musée devant ce petit garçon, de moi-même, restant bloqué devant l’un des Maîtres, entre deux flux de visiteurs.
Je ne peux dire que j’en suis sorti grandi. Juste changé. Sérénité, je ne sais pus, je ne m’en souviens plus.
Mais c’est l’une de mes expériences les plus fortes en matière d’Art. Une accalmie autour des vagues. Encore maintenant, Monet c’est la rue Montorgeuil.
Je regarde le tableau.
Est-vrai ? Regarder, vraiment Regarder.
Non pas lorgner du coin de l’œil, mais le fixer à s’en éclater la pupille, jusqu’à entrer dans l’œuvre, tel que l’écrit et le décrit Arasse.
Je regarde le tableau.
Et bien, encore une fois, on y retourne à notre discussion sur la Beauté. Qui est subjectif. Culturel. De masse. Personnel. Partagé, ou non.
Le goût et les couleurs ne se discutent pas. La Beauté non plus. Elle est toute aussi personnelle.
En soi, ce n’est pas la beauté qui nous intéresse dans œuvre, vous me le concéderez, mais l’effet que l’on ressent devant.
Un ami, photographe plus qu’amateur, possède des épreuves totalement horribles, trash, mêlant vie et mort. Une certaine paix s’y retrouve. Loin d’être beau, c’est une paix que l’on trouve dans cette atmosphère subjuguante.
Et c’est le moment d’après qui en devient intéressant. Ces quelques secondes où l’on est encore plongé dans l’œuvre, où l’a encore la trace, la marque sur la pupille.
Une fois que l’on s’est détourné, il y a cette sérénité. Silence dans la place. Rien, ni passé, ni avenir.
Juste le tableau, vous, moi, nous, lui, le peintre. Le dialogue qui s’est établie par delà les époques. Entre lui et vous. Moi. Nous.
Et l’instant d’après. Où l’on n’a pas encore retrouvé sa vie, son quotidien.
L’œuvre tourne toujours en fond quelque part dans le cerveau, laisse sa marque, son moment, cet instant de sérénité. Une petite Mort.
Et le présent nous rattrape. L’instant passe. Lié à la découverte, du nouveau. Peut-être. Je n’ai encore jamais pu ré-admiré ma rue de Montorgeuil. Quinze années ont coulées depuis. Ressentirai-je une seconde fois cette sérénité ?
C’est un instant cher, cette sérénité. De ceux qui marquent.
Je regarde le tableau, non pour sa beauté, mais pour la sérénité qui s’en suit.
Jusqu’au suivant.
Sur une sentence de Nobuchi, « J’écoute le chant de l’oiseau, non pour sa voix, mais pour le silence qui suit. »